Trop souvent la question des variantes se pose « au petit bonheur la chance » alors qu’il s’agit d’une question stratégique de l’acte d’achat.
Un point rapide sur les variantes
On peut dire pour faire rapide qu’une variante est un autre moyen proposé par les entreprises pour arriver au résultat qu’escompte l’administration.
Sur le plan juridique, cinq grandes règles doivent être retenues :
- les variantes sont possibles dans l’ensemble des procédures de passation ;
- ces variantes ne sont toutefois possibles que si les documents de la consultation prévoient expressément la possibilité d’en remettre une sauf pour les « MAPA » où la règle est « contraire » puisque les variantes sont toujours possible sauf interdiction expresse ;
- dans les seules procédures formalisées, lorsqu’un pouvoir adjudicataire accepte les variantes, il doit indiquer obligatoirement les exigences minimales qu’elles devront respecter ;
- dans les seules procédures formalisées, lorsqu’un pouvoir adjudicataire accepte les variantes, il doit obligatoirement indiquer dans les documents de la consultation les modalités de leur présentation ;
- sauf disposition contraire dans le règlement de la consultation, la remise d’une offre de base avec la variante n’est pas obligatoire.
Les diverses types de variantes
En liminaire, on doit relever que la notion de variante n’est pas explicitée par le Code des marchés publics.
De façon générique, la variante pourrait se définir comme la possibilité laissée au candidat de présenter une solution différente de celle définie par le pouvoir adjudicateur pour toutefois atteindre le même résultat.
Autrement dit, une variante technique est un autre moyen pour arriver au même résultat. Ainsi, si le cahier des charges impose de réaliser un mur de telle hauteur et de telle longueur en parpaing « de 30 », le résultat, la réalisation du mur aux dimensions prévues par l’administration peut aussi être réalisée en béton banché. Il s’agit alors d’une variante technique.
Pour autant, la notion de variante ne peut être réduite dans une acception purement technique. Au demeurant, selon l’instruction d’application du Code des marchés publics, « la variante consiste en une modification, à l’initiative des candidats, de certaines spécifications des prestations décrites dans le cahier des charges de la consultation, que ces spécifications soient d’ordre technique ou d’une autre nature ». Force est de constater que le Code des marchés publics vise le terme de « variante » et non celui de « variante technique ». Dès lors, les variantes ne peuvent être cantonnées au seul domaine du « technique ».
À notre sens, il existe trois types de variantes :
- les variantes techniques déjà définies ;
- les variantes administratives qui peuvent, dans les faits, porter sur l’ensemble des clauses du cahier des clauses administratives particulières, par exemple les délais, la réception, les ordres de service… Il n’existe, selon nous, que trois limites aux variantes administratives :
- une variante administrative ne peut aller en deçà des exigences minimales éventuellement définies par l’administration ;
- une variante administrative ne peut pas être contraire à l’ordre public ;
- une variante administrative ne peut déroger à un texte impératif. Par exemple, une variante ne pourrait pas proposer que le sous-traitant soit payé directement par le titulaire dès lors que le paiement direct par l’administration est impératif, aux termes de la loi du 31 décembre 1975 ;
- les variantes financières. Ainsi, une entreprise pourrait proposer, en variante, un prix forfaitaire différent si, par ailleurs, l’administration accepte de lui verser une avance facultative de 30 % dans les 30 jours à compter de la notification du marché. De même, une entreprise pourrait proposer une variante sur les délais de paiement et/ou sur les intérêts moratoires, etc.
Quel positionnement sur les variantes
Trop souvent encore, les pouvoirs adjudicateurs éludent la question de l’opportunité économique d’accepter la présentation de variantes. Pire encore, cette question est trop souvent laissée à l’initiative du logiciel de gestion des marchés !!! Or, nul doute aujourd’hui que la variante est un instrument politique destiné au développement d’offres innovantes, utiles à la dynamique économique.
Dans les procédures où la négociation est impossible comme l’appel d’offres, l’intérêt principal d’accepter des variantes est, pour l’administration, d’obtenir et de pouvoir analyser des moyens différents pour arriver au résultat escompté. Pour les entreprises en particulier, et l’économie en général, les variantes permettent de « laisser une chance à l’innovation ». En d’autres termes, les variantes donnent de la « souplesse » à des procédures assez rigides.
Dans le cadre des procédures négociées on peut dire que l’offre de base correspond au prix consenti par l’entreprise pour réaliser un ouvrage selon les moyens définis par l’administration. La variante sera le plus souvent le prix qu’est prête à consentir une entreprise pour réaliser un ouvrage selon des moyens qui lui paraissent plus adaptés. Entre l’offre de base et la variante, le champ de la négociation est défini avec précision. En effet, et contrairement à l’appel d’offres, l’administration n’a pas un choix uniquement binaire : accepter ou refuser les variantes. La négociation peut ainsi amener à accepter en partie les variantes.
Dans tous les cas, un certain nombre de personnes considèrent que la possibilité de permettre des variantes favorise, par trop, les entreprises importantes qui ont, en interne, l’ingénierie nécessaire pour effectuer précisément des propositions nouvelles et innovantes.
L’argument peut être partiellement battu en brèche. En effet, les petites entreprises peuvent répondre rapidement et sans grands frais à l’offre de base, sans pour autant proposer de variantes et donc à des coûts réduits.
En réalité, le véritable inconvénient pour l’administration d’accepter des variantes est le niveau de compétences requis pour analyser les offres. Pour prendre un exemple simple, le profane pourra classer les offres des entreprises chargées de réaliser des murs en parpaing. En effet, toutes les offres sont similaires. Tout autre est la situation si l’administration doit classer les offres en prenant en compte non seulement des murs réalisés en parpaing, mais aussi des murs en béton banché correspondant à une variante présentée par l’entreprise. En effet, et dans une telle occurrence, il paraît indispensable d’être un technicien de haut niveau pour savoir si les moyens proposés par les entreprises permettent au mieux d’atteindre les résultats escomptés par l’administration.
La présentation d’une offre de base
Pendant des décennies, lorsqu’une entreprise remettait une variante, elle était aussi dans l’obligation de remettre une offre de base.
Cette obligation a disparu du Code des marchés publics en 2009. Il appartient donc à l’administration de juger, lors de la rédaction de son règlement de la consultation :
- Si elle impose aux entreprises de remettre une offre de base lorsqu’elles remettent une variante ;
- Au contraire, si elle laisse totalement libre les entreprises sur ce point (par exemple en n’écrivant rien sur ce point).
Nous militons pour notre part pour cette seconde solution. Il faut laisser des espaces de liberté aux entreprises. Par ailleurs, il ne sert à rien de demander à une entreprise de passer des heures de travail pour remettre l’offre de base si l’entreprise n’est pas intéressée par la solution retenue par l’administration. Enfin, cela évite à l’administration d’analyser des offres qui ne sont rendues que par obligation.
Lorsque l’administration n’impose rien sur ce point, trois cas sont possibles :
- Des entreprises ne vont remettre qu’une offre de base ;
- D’autres entreprises ne vont remettre que des offres varaintées ;
- Des entreprises vont éventuellement remettre des offres de base et des variantes.
Les exigences minimales que les variantes doivent respecter
Dans les procédures formalisées, l’administration est dans l’obligation de spécifier les exigences minimales que les variantes devront respecter.
Sur la forme, les praticiens comme la doctrine s’interrogent encore sur la manière dont doit être rédigé un règlement de la consultation quant aux exigences minimales visées par le code.
Deux solutions paraissent possibles, bien qu’aucune d’entre elles ne soit exclusive l’une de l’autre.
Pour formaliser les exigences minimales que devront respecter les variantes, l’administration peut éventuellement indiquer les articles des pièces contractuelles qui ne peuvent pas être modifiés. Ces articles constituent alors les exigences minimales que les variantes doivent respecter. Ainsi, un règlement de la consultation pourrait édicter que les variantes ne peuvent avoir pour effet de modifier les articles « X » et « Y » de l’acte d’engagement, « A » à « C » et « E » à « G » du « CCAP » et « X » à « Z » du « CCTP ». Une autre solution pour pallier ce fastidieux travail consiste à viser les seuls articles qui peuvent être modifiés et non les articles qui ne peuvent pas l’être.
Une autre solution, plus intéressante à notre sens, est d’utiliser les nouvelles dispositions de l’article 6 du Code des marchés publics. Aux termes de ce texte, l’administration peut définir ses besoins en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles. Ainsi, utilisé dans le cadre des variantes, cet article permettrait de définir les exigences minimales en définissant les performances ou exigences fonctionnelles elles-mêmes minimales que devront respecter les variantes techniques éventuellement proposées par les entreprises. Bien entendu, cette manière de définir les exigences minimales des variantes ne concerne que les variantes techniques, elle n’est pas utilisable pour les variantes administratives ou financières.
Les modalités de présentation des variantes
Dans les procédures formalisées, le Code des marchés publics impose non seulement au pouvoir adjudicateur de mentionner les exigences minimales que les variantes doivent respecter, mais aussi de préciser les modalités de présentation desdites variantes.
Sur ce point, et à notre connaissance, la doctrine administrative comme la jurisprudence sont encore muettes. Pour notre part, nous considérons qu’il est plus prudent de prévoir, dans le règlement de la consultation, que l’offre de base et la variante devront être présentées dans deux dossiers distincts. Ainsi, dans un appel d’offres, le règlement de la consultation pourrait prévoir que l’offre de base est présentée dans un dossier intitulé « offre de base » et la variante éventuelle dans un dossier intitulé « variante ».
À notre sens toujours, le dossier comprenant la variante peut se présenter de deux manières :
- soit l’administration impose seulement aux entreprises de produire les articles du cahier des charges qui sont modifiés par la variante. Ainsi, pour prendre un exemple simple d’une variante qui ne porterait que sur un point particulier, le dossier relatif à la variante pourrait seulement comprendre une page de l’acte d’engagement, celle relative au prix, dès lors que, le plus souvent, une variante est proposée à un prix différent de l’offre de base ainsi que l’article du « CCTP » modifié par l’entreprise ;
- soit l’administration impose aux entreprises de présenter une offre comprenant les mêmes pièces (acte d’engagement, « CCAP », « CCTP, … ) pour la solution de base et pour la variante.
Cette dernière solution est facile à mettre en oeuvre pour les entreprises dès lors qu’elles disposent le plus souvent du cahier des charges sous forme électronique. La modalité optimale de présentation serait alors d’imposer aux entreprises de faire apparaître de manière visible les corrections qu’elles apportent à leur offre de base pour éviter à l’administration de « tout relire ».
Le classement des offres en cas de variantes
Lorsqu’une procédure interdit les variantes ou qu’aucune variante n’est présentée, l’administration classe les offres des entreprises en prenant en compte les critères pondérés annoncés dans le règlement de la consultation. Le travail est assez similaire lorsqu’une ou plusieurs offres comprennent des variantes, sous réserve de classer l’ensemble des offres de base, mais aussi les variantes.
Prenons l’exemple d’un appel d’offres où les variantes sont autorisées. Sur les dix entreprises remettant une offre, cinq remettent en sus une variante. Dès lors, le tableau de classement des offres devra comprendre les quinze offres, les dix « offres de base », ainsi que les cinq variantes. Dès lors, l’offre de base d’une entreprise peut être classée en première position et son offre avec variante en quatrième position. Au contraire, l’offre avec variante peut être classée en première position et l’offre de base en deuxième, troisième… position.
P COSSALTER, Avocat au barreau de Lyon, Société d’avocats Legitima