ALOURDISSEMENT DE LA TAXE FONCIERE SUR LES TERRAINS CONSTRUCTIBLES, L’ETAT FORCE LA MAIN AUX PROPRIETAIRES !
Dans un contexte immobilier toujours morose, le gouvernement a entrepris diverses mesures juridiques et fiscales aux fins de relancer le secteur de la construction sinistré.
Si la plupart des réformes engagées se placent dans un contexte incitatif : Loi Pinel, allègement des droits de mutation en matière de terrain à bâtir…, le Gouvernement nous a rappelé qu’il pouvait également pratiquer la coercition fiscale pour encourager la reprise.
Paradoxal ou non, la loi de finances rectificative pour 2014 contient une réforme alourdissant très nettement la taxe foncière applicable aux terrains constructibles non bâtis[1].
Cette mesure fiscale a été codifiée à l’article 1396 du Code Général des Impôts.
- A.Une mesure radicale :
En ce qui concerne la majoration la plus importante et la plus crainte par les propriétaires les termes de l’article 1396 II A du Code Général des Impôts :
« II.-A.-Dans les communes mentionnées au I de l'article 232 et classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l'article 234, la valeur locative cadastrale des terrains constructibles après la déduction mentionnée au I du présent article est majorée de 25 % de son montant et d'une valeur forfaitaire fixée à 5 € par mètre carré pour les impositions dues au titre des années 2015 et 2016, puis à 10 € par mètre carré pour les impositions dues au titre de l'année 2017 et des années suivantes. »
Nous préciserons tout d’abord un point qui a fait l’objet d’une confusion largement répandue.
Le tarif de 5 € par m² est une majoration de la valeur locative cadastrale soit la base de l’imposition et non du montant de l’imposition elle-même.
En effet, cette réforme a trop souvent été présentée sous l’aspect simpliste selon lequel les propriétaires devraient payer un montant de 5 € par mètre carré de terrain constructible.
De fait, c’est la base qui sera majorée l’impact réel de la mesure dépendant ensuite des critères locaux puisque les taux sont loin d’être uniformes sur le territoire métropolitain.
Malgré cette précision, l’impact fiscal est bien réel, puisque certaines communes et collectivités territoriales appliquent des taux d’imposition allant jusqu’à 160 % de la valeur cadastrale de référence.
Ainsi cette mesure fiscale est pour le moins radicale et risque d’avoir des effets tout à fait notables pour la situation fiscale de certains ménages.
- Un cbamp d’application qui vise les grandes ensembles urbains:
L’article 1396 A précité fait référence à deux textes pour désigner les terrains pour lesquels ces mesures s’appliquent
- Les zones déjà visées par la taxe sur les logements vacants ;
- Les zones déjà visées par la taxe sur les loyers élevés des logements de petite surface.
De fait, ce sont vingt-huit agglomérations urbaines qui sont concernées : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Tesle-de-Buch-Arcachon, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon et Toulouse.
Nous noterons toutefois que la loi prévoit une modalité particulière pour l’application de cette loi.
Ainsi il est précisé que la liste des terrains constructibles soumis à la majoration de la taxe foncière est établie par l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme qui la transmet à l’administration fiscale.
Il est prématuré à ce stade de tirer toute conclusion sur ce point mais on peut légitimement s’interroger sur le point de savoir si un pouvoir d’appréciation serait laissé aux communes pour juger de quels terrains constructibles devraient être frappés par cette taxe et quelles autres devraient en être dispensés.
- C.Sur les quelques moyens d’exonération ouverts :
L’article 1396 du Code Général des impôts prévoit plusieurs cas d’exonération de la majoration de la valeur cadastrale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
- Exonération totale de plein droit :
- Les parcelles qui supportent une construction passible de la taxe d’habitation sont expressément exclues du champ d’application de la taxe foncière majorée. Pour être passible de la taxe d’habitation, les locaux doivent être meublés de manière à permettre l’usage à titre d’habitation.
- Les terrains classés depuis moins d’un an dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser.
- Les locaux appartenant à une personne relevant du régime social agricole ou loués à une personne relevant de ce régime.
- Exonération totale sur réclamation auprès des services fiscaux :
Ce point concerne les cas dans lesquels le contribuable est admis à obtenir le dégrèvement[2] de la majoration de taxe foncière. Ce dégrèvement s’obtient sur la base d’une réclamation adressée aux services dans les formes et délais requis par la procédure fiscale.
- Les contribuables qui justifient avoir obtenu avant le 31 décembre de l’année d’imposition un permis de construire, un permis d’aménager ou un permis de lotir pour le terrain concerné. Il est toutefois à préciser que la majoration est rétablie rétroactivement en cas de péremption du permis considéré.
- Les contribuables qui justifient avoir cédé le terrain faisant l’objet de la majoration avant le 31 décembre de l’année d’imposition.
Ainsi, nous relèverons le fait que le texte fiscal s’est prémuni contre les cas de propriétaires peu scrupuleux qui se retrancheraient derrière un permis de construire de pure forme pour éviter l’assujettissement.
En l’état actuel des choses, les contribuables risquent de devoir s’incliner devant cette mesure coercitive et « jouer le jeu » car le plus sûr moyen d’échapper à cette sanction fiscale est encore de construire ou faire construire.
Jonathan AMOUYAL, Avocat
[1] Article 31 de la loi 2014-1655 du 29 décembre 2014.
[2] Dégrèvement : annulation ou remboursement de la dette fiscale.