Avocat commande publique : La situation du personnel et le changement de mode de gestion du service public

Suivant le principe de la libre administration des collectivités territoires, les Communes sont libres du choix du mode de gestion de leurs services publics dès lors que la gestion de ce dernier est externalisable. Dans l’hypothèse d’un changement de mode de gestion, la question du personnel pour la mise en œuvre du service est cruciale.

 

QUESTION 1 : LA COMMUNE A-T-ELLE DEJA UN PERSONNEL DEDIE A L’EXPLOITATION DU SERVICE PUBLIC ?

I-   LA COMMUNE A UN PERSONNEL DEDIE

De quel régime juridique relève ce personnel ?

-       Agent titulaire(fonctionnaire) : droit de la fonction publique relevant de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

-       Agent contractuel : contrat de droit public et article 136 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984

Dans quelles conditions la Commune peut-elle « prêter » ses agents au délégataire privé ?

1-      Pour les agents titulaires, trois solutions sont envisageables : le détachement, la mise à disposition et la disponibilité

  • Le détachement uniquement pour les agents titulaires

Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d’origine et continuant à bénéficier dans ce corps de ses droits à avancement et retraite. Le détachement ne peut pas être imposé par la Collectivité. L’intéressé doit donner son accord exprès après avoir été précisément informé de ses droits et obligations. Ce consentement est formalisé par la Collectivité par un arrêté de détachement.

Par ailleurs, il est obligatoire qu’une convention soit signée entre la Collectivité et le délégataire, précisant la nature des futures activités exercées par l'agent, ses conditions d'emploi et sa rémunération. Une fois détaché, le fonctionnaire travaille sous la subordination du délégataire. Il est donc assimilé à un salarié ordinaire de ce dernier.

En ce qui concerne sa rémunération, celle-ci est versée par le délégataire et ne doit pas excéder 15% de la rémunération globale perçue dans l’emploi d’origine. (D. n° 86–68 du 13 janvier 1986 relatif au détachement dans la fonction publique territoriale).

Sur la durée, la période du détachement de l’agent peut être courte durée, de 6 mois maximum non renouvelable ou, sauf exception, de longue durée, 5 ans maximum, renouvelable par périodes de 5 ans maximum. A la fin des 5 ans de détachement, une proposition d’intégration dans le corps ou cadre d'emplois d'accueil est obligatoirement adressée au fonctionnaire. Le détachement n'est renouvelé que si cette proposition d'intégration est refusée.

  • La mise à disposition

La mise à disposition correspond à la situation où le fonctionnaire est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais effectue son service hors de son administration. Une mise à disposition n’est possible que pour l’exercice d’activités entrant dans le cadre des missions de service public du service. La Collectivité ne peut imposer une telle situation à son agent. L’accord exprès de l’intéressé est requis. Il doit avoir été préalablement informé de ses droits et obligations.

De son côté, comme dans le cas d’un détachement, la Collectivité doit signer une convention avec le délégataire précisant la nature des activités exercées par l'agent, ses conditions d'emploi, et les modalités du contrôle et de l'évaluation de ses activités. Les fonctions exercées auprès du délégataire peuvent être d'un niveau hiérarchique différent de celui des fonctions exercées dans la Collectivité. Subordonné à l’autorité du délégataire, l’agent mis à disposition sera considéré comme un salarié de ce dernier.

Au niveau de sa rémunération, le fonctionnaire continue d'être rémunéré par la Collectivité et celle-ci est remboursée par le délégataire, sauf dérogations prévue dans les termes de l’accord entre eux.

La mise à disposition pour les fonctionnaires est d’une durée de 3ans maximum renouvelable par période de 3ans maximum.

  • La disponibilité à la demande du fonctionnaire

Le fonctionnaire se trouve placé temporairement hors de son administration d’origine et cesse, durant cette période, d’exercer son activité professionnelle et de bénéficier de sa rémunération et de ses droits à l’avancement et à la retraite. L’agent doit obtenir au préalable l’acceptation de sa demande par son administration.

Dans cette hypothèse, le fonctionnaire devient le salarié du délégataire. La disponibilité est prononcée pour une durée maximum de 3 ans renouvelable une fois, et la durée totale ne peut dépasser 10 ans sur l’ensemble de la carrière du fonctionnaire.

Quelle procédure privilégier ?

Le choix entre détachement et la mise à disposition dépendra de plusieurs facteurs :

-       Le coût comparé du remboursement de la mise à disposition et du salaire versé au fonctionnaire détaché,

-       La souplesse souhaitée par le délégataire sachant que la mise à disposition n’est prévue que « pour l’exercice des missions de service public »,

-       L’attractivité financière de chacune des formules pour le fonctionnaire

2-      Pour les agents non titulaires deux solutions sont envisageables : la mise à disposition et le transfert du contrat de travail

  • La mise à disposition

La différence avec la situation des agents titulaires porte sur la durée de la mise à disposition des agents contractuels en CDI qui est d’une durée de 3ans maximum renouvelables 1fois dans la limite de 6ans. Dans le cas des agents en CDD c’est la solution du transfert de contrat de travail à laquelle il convient de recourir.

  • Le transfert du contrat de travail

L’article L. 1224-3-1 du Code du Travail  prévoit que « Sous réserve de l'application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales, lorsque l'activité d'une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code ». Le délégataire doit proposer à l’agent un nouveau contrat régi par le code du travail et reprenant les clauses substantielles de l’ancien contrat (durée, rémunération, ancienneté, etc.)

Aux termes du contrat de délégation, le cahier des charges précisera l’obligation légale de reprise des agents concernés, afin de permettre aux candidats éventuels de prendre connaissance des conséquences juridiques et financières d’un tel transfert.

L’agent contractuel devient un salarié du délégataire, il perçoit une rémunération au minimum égale à celle prévue au terme de son contrat avec la Collectivité. La durée du nouveau contrat est également celle prévue au contrat initial.

L’agent peut refuser le transfert de son contrat cependant en ce cas, leur contrat prend fin de plein droit. Le délégataire applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés

II-LA COMMUNE N’A PAS DE PERSONNEL DEDIE

La Commune peut-elle réorganiser l’ensemble de son personnel ?

La Commune est libre d’organiser son personnel à condition que le changement d’affectationsoit justifié par l’intérêt du service.

La mesure ne doit pas remettre en cause le grade de l’agent : le fonctionnaire doit être affecté à un emploi correspondant à son grade (art. 12 L. 13 juill. 83 ; tempéré par CAA de Lyon du 20 novembre 1998 « Considérant, en second lieu, que si un fonctionnaire a normalement vocation à occuper un emploi correspondant au grade dont il est titulaire, cela n'interdit pas à l'administration de l'affecter, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, sur un emploi normalement destiné à des agents d'un grade différent, même inférieur »).

Le niveau de responsabilité doit en principe être conservé en équivalence, comme le niveau de rémunération (art. 4 L. 26 janv. 84 ; tempéré par CAA de Bordeaux du 25 mai 1998 « que si le poste auquel il a été affecté, du fait de la décision attaquée, comporte des responsabilités différentes de celles qu'il exerçait jusqu'alors et s'il a subi une légère diminution de sa rémunération, cette affectation ne peut être regardée comme ayant entraîné pour lui un déclassement »).

Dans le cas de la constitution d’une SEMOU, cette entité mixte peut-elle disposer d’un personnel propre ?

L’apparition de la Société d’économie mixte à opération unique comme mode d’exécution des contrats invite à s’interroger sur les nouvelles façons de gérer désormais les services publics. Cette société constituée d’un partenaire privé choisi à l’issu d’une procédure concurrentielle, disposera à la fois des salariés du privé et des agents de la commune.

Dans le cas où la Commune ne disposerait pas de personnel dédié à l’exploitation du service, la SEMOU aura nécessairement un personnel exécutif « apporté » par le partenaire privé soit directement soit indirectement par de la sous-traitance (technique ou autre). 

QUESTION 2 : LE COUT DU PERSONNEL DEDIE A LA GESTION DU SERVICE

I-   QUEL EST LE COUT REEL D’UN AGENT ?

  • Cotisations sociales et salariales pour un agent

Le montant du traitement d’un agent est fixé en fonction du grade de l'agent et de son échelon. À chaque échelon est associé un indice brut qui détermine la position de l'agent sur une échelle indiciaire. À chaque indice brut correspond un indice majoré permettant le calcul de la rémunération. (Article 20 de la loi n° 83-624 du 13 juillet 1983). La cotisation chômage n’est pas due pour les fonctionnaires.

  • Cotisations sociales et salariales pour un agent contractuel

Le montant de la rémunération est librement déterminé par l'administration.

La cotisation chômage est facultative pour les agents contractuels de droit public. Cependant la collectivité doit, si elle n’a pas cotisé au régime d’assurance chômage, les allocations chômage au cas où elle procéderait à des licenciements ou de venue à échéance des CDD.

Le coût réel d’un agent ne se limite pas uniquement au montant de son salaire de base (traitement indiciaire). Il doit être tenu compte des coûts dits « cachés » c'est-à-dire les dépenses engagées pour les besoins en bureautique et en informatique de l’agent auquel peuvent s’ajouter par exemple la mise à disposition d’un logement de fonction, un téléphone portable, un véhicule de fonction ou de service.

II-QUEL EST LE COUT POUR LE DELEGATAIRE DU PERSONNEL « PRETE » ?

Le délégataire reprend le personnel contractuel existant si le contrat le prévoit. Ces frais de personnel local imputable au titre du contrat de délégation sont intégrés dans le compte de résultat. Ils correspondent à un pourcentage des charges liés à l’exploitation.

Au final le personnel qui assurera la gestion du service sera composée des agents, des agents contractuels, des salariés de l’exploitant et de la main d’œuvre issue de sous-traitance (3- 4%).

Coût d’un salarié pour l’exploitant 

Répartition des charges :

-  22% de cotisations salariales

-  entre 25% à 42% de cotisations patronales

Comment limiter ce coût ?

Le nombre d’agent et la définition de leurs missions sont en rapport avec les besoins du service. Par exemple : chef d’exploitation, agent de production, agent de réseau, technicien…, fréquence des missions, missions récurrentes…

Réflexion sur l’installation d’outils de commande à distance pour limiter ce coût tels que les alarmes, la télégestion, informatisation de la gestion. Le regard d’un délégataire est de privilégier cette économie des coûts. Une mutualisation des services et des moyens pour la gestion des services d’AEP et d’AC peut être envisagée. Le technicien issu du privé n’est pas affecté au suivi d’une seule exploitation.

Sonia GHERZOULI, Juriste, Société d’Avocats Legitima

SELARL Legitima

Cabinet d'Avocats | Barreau de Lyon
Siren n° 450 133 087. RCS Lyon.

Conception NETIZIS
Hébergement OVH
Mentions légales

À propos

Nous intervenons dans les domaines du Droit Public, Privé et Pénal, tant en conseil qu'en contentieux. Nous assurons également des formations et rédigeons de nombreuses publications.

Suivez-nous sur:

    

Contact

Cabinet d'Avocats Legitima
@ Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
04 78 80 72 40
04 78 80 71 64
66 rue d'Anvers
     69007 Lyon