La mise en disponibilité pour convenances personnelles trouve sa source dans les lois n° 84-16 et 84-53 relatives aux statuts des fonctions publiques d’état et territoriale, ainsi que dans la loi n° 86-33 relative à la fonction publique hospitalière.
Renouvelable à trois reprises, pour une période qui ne peut excéder 10 années de la carrière du fonctionnaire qui la sollicite, la mise en disponibilité pour convenances personnelles constitue un droit attaché aux agents de la Fonction publique.
A l’issue de la période de disponibilité, le fonctionnaire est réintégré à la première vacance d'emploi dans son grade.
En cas de refus du poste proposé, l'administration est tenue de proposer à son agent l'un des trois premiers emplois vacants correspondant à son grade.
Toutefois, si les dispositions légales précisent clairement les modalités de la réintégration après une période de disponibilité, le retour du fonctionnaire au sein de son administration ne va pas sans générer d’importantes difficultés, tant en termes de gestion des ressources humaines, qu’en terme d’accueil de l’agent par sa hiérarchie.
Nombreux sont en effet les agents qui déplorent des situations que d’aucun souhaiterait voir qualifiées de harcèlement moral.
Taches subalternes et vexatoires, privation des responsabilités auparavant confiées, humiliations, autant de situations qui accompagnent le retour de l’agent indésirable au sein de son administration.
Si la tentation de saisir la juridiction administrative est forte, il convient toutefois de s’assurer que la procédure ainsi engagée présente un intérêt, en examinant le caractère juridique des décisions individuelles destinées à organiser les missions de l’agent, puis en identifiant les éléments susceptibles de constituer le harcèlement moral déploré.
Seules les mesures individuelles ayant une influence sur la situation d’un agent et portant une atteinte à ses droits sont considérées comme des décisions faisant grief (déclassement, influence négative sur la carrière ou la rémunération, privation d’un avantage prévu par un texte), et sont à ce titre susceptibles de recours.
A contrario, les mesures relevant du pouvoir hiérarchique de l’administration, et ayant pour vocation l’organisation interne des services sont des mesures d’ordre intérieur et sont en conséquence insusceptibles de recours.
Pourtant, ce sont ces mêmes mesures qui sont régulièrement mises à l’index et produites par les requérants au soutien de leur action devant le Juge administratif afin de voir reconnue une situation de harcèlement moral.
Le Conseil d’état a rangé au titre des mesures d’ordre intérieur la modification du service d’un enseignant. (CE, 8 mars 1993, Riollot).
Le Juge administratif a en effet considéré que dès lors qu’elles restent sans influence sur les droits et prérogatives statutaires des agents ou sur leurs conditions d’emploi et de travail, ces mesures ne lui font pas grief.
Cette précision liminaire est d’importance, car elle explique la réticence du Juge administratif à reconnaître des situations de harcèlement dès lors qu’il découle de mesures d’ordre intérieur, alors même que les atteintes à la dignité qu’elles engendrent sont indéniables dans les faits et le quotidien de l’agent.
Ainsi d’une jurisprudence du Tribunal Administratif de NÎMES, en date du 14 mai 2013, qui juge qu’une simple diminution des attributions d’un agent public justifiée par la gestion de sa carrière, ou encore dans l’intérêt du service ou même en raison d’une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n’est pas constitutive de harcèlement moral dès lors qu’elle n’excède pas les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique,
La juridiction gardoise décidera en conséquence que les conditions de la réintégration de l’agent à la suite de sa disponibilité pour convenances personnelles n’ont révélé aucun comportement fautif de l’Administration à son égard.
Egalement d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, qui annule une Jugement rendu par le Tribunal Administratif de LYON en date du 28 juillet 2009.
La Haute Juridiction a ici considéré que pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique avant de préciser que dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. (CE, 2° et 7° sous-sections réunies, 30 décembre 2011, n°332366)
Toutefois, et outre les critères définis par l’article 6 quinquiès de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le juge administratif a précisé les critères permettant de qualifier le harcèlement moral.
A ce titre, aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de ces dispositions légales que la situation supportée par un agent lors de sa réintégration peut relever d’une violation de l’Article 6 quinquiès, dès lors que sont réunis trois critères cumulatifs.
- La répétition des agissements de harcèlement, qui suppose la réunion par le fonctionnaire, depuis le commencement du supposé harcèlement, de suffisamment d’éléments témoignant des vexations, dénigrements, propos injurieux, dégradants, agressifs, tels que par exemple les échanges de mail où l’agent alerte le harceleur à propos des comportements qu’il subit, des attestations d’autres agents ou de toute autre personne susceptible de témoigner des difficultés rencontrées, des refus expressément exprimés par le harceleur concernant l’ensemble des demandes formulées…).
- La dégradation de vos conditions de travail tendant à porter atteinte aux droits et à la dignité de l’agent. Cette dégradation s’entend par exemple du manque de moyens qui serait systématiquement opposé ce dernier, des tâches subalternes qui lui seraient confiées en violation de son statut, telles que des tâches administratives de bas niveau, du silence de l’administration à chacune de ses demandes, de la gestion défaillante de sa situation professionnelle.
- L’altération de la santé physique ou mentale de l’agent, qui sera établie par l’ensemble des certificats médicaux, prescriptions médicales, arrêts de travail ou encore témoignages de vos proches dès le commencement des faits de harcèlement.
Il est également possible de démontrer que son évolution professionnelle s’est trouvée compromise suite au harcèlement subi.
Si l’ensemble de ces éléments caractérise la situation qui préside à la réintégration du fonctionnaire, il convient alors que ce dernier opère un travail méticuleux de rassemblement de preuves à l’encontre de son harceleur, sans quoi la démonstration du harcèlement moral sera obérée.
Car pour l’heure, le juge administratif précise que pour être qualifié de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, ajoutant qu’il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au Juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. (TA NÎMES, 14 mai 2013, n°1101445, 1101452, CE, 12 février 2014, n° 352878).
Ainsi, l’aboutissement d’un éventuel recours devant le Juge administratif dépendra de la somme des éléments que l’agent aura la faculté de présenter, qui feront valoir le comportement fautif du harceleur, et partant, de l’administration.
Karine SANCHEZ-EVANGELISTA, Avocate-partenaire de LEGITIMA