Dans les marchés publics deux types de prix existent, le prix unitaire et le prix forfaitaire. Le risque pris par l’entrepreneur n’est pas le même dans les deux cas.
LA DISTINCTION PRIX UNITAIRES ET PRIX FORFAITAIRE
Le prix forfaitaire que l’on appelle aussi le prix global et forfaitaire est le prix qui rémunère le titulaire d’un marché public (mais aussi privé) pour une prestation ou un ensemble de prestations, indépendamment des quantités mises en œuvre pour leur réalisation.
Ainsi, réaliser le terrassement d’un projet paysager à prix forfaitaire veut dire que ce terrassement sera effectué conformément aux plans, normes obligatoires et règles de l’art quelque soient les déblais et remblais effectués.
Les parties n’ont donc pas à vérifier les quantités réalisées, seul le résultat compte.
Le marché à prix unitaire que l’on appelle souvent dans la pratique un « marché sur bordereau de prix » est un marché où le titulaire est payé, au vu des prix unitaires fixées dans le contrat (le plus souvent dans le bordereau des prix unitaires (BPU)), au regard des quantités exactes qu’il réalise.
Ainsi, réaliser le terrassement d’un projet paysager à prix unitaires veut dire que ce terrassement sera effectué conformément aux plans, normes obligatoires et règles de l’art mais que le prix payé correspondra très exactement au « cubage » des déblais et remblais réalisés.
Les parties (souvent le maître d’œuvre fait ce travail pour le compte du maitre de l’ouvrage) doivent impérativement constater les quantités réellement effectuées.
DE LA THEORIE A LA PRATIQUE
En théorie les choses sont simples mais la pratique vient souvent les compliquer.
Ainsi, il n’est pas rare que, dans un marché à prix forfaitaire, le maitre d’œuvre et l’entreprise s’entendent sur des « prestations en plus » en contrepartie de « prestations en moins » (les praticiens appellent cela les « plus et les moins ») ce qui met totalement en cause la notion même de prestation à prix forfaitaire. Lorsque ces « plus et ces moins » deviennent importants, on est même très proche d’un marché à prix unitaires.
L’une des raisons de ces dérives est la mauvaise définition du besoin, tant pas le maître de l’ouvrage au stade du programme, que du maitre d’œuvre au stade de la conception. Le projet qui devrait être finalisé avant de conclure les marchés de travaux est en réalité en perpétuelle évolution.
De même, dans les marchés à prix forfaitaire, un débat complexifie souvent le débat. Une prestation peut être considérée comme faisant partie du marché (et donc du forfait) par le maitre d’œuvre et le maitre de l’ouvrage alors que l’entreprise considère pour sa part qu’il s’agit d’une prestation nouvelle non-comprise dans le marché de base…
Dans les marchés à prix unitaires, il n’est pas rare que le « deal » non-dit entre la maitrise d’œuvre et l’entreprise soit d’effectuer un travail qui correspondant au montant estimé du marché tel qu’il apparait dans le Détail Quantitatif Estimatif (DQE). On ne se préoccupe pas vraiment des quantités réellement effectuées, le but est d’atteindre le résultat technique escompté dans le cadre du montant estimé du marché. On est donc plus près d’un marché à prix forfaitaire que d’un marché à prix unitaires.
LES DOCUMENTS UTILISES
Lorsque le maitre de l’ouvrage veut conclure un marché à prix forfaitaire, il pourrait se contenter de demander un prix dans l’acte d’engagement. La pratique la plus courante est de demander aux entreprises de renseigner en sus un document intitulé Décomposition du Prix Global et Forfaitaire (DPGF). Ce document peut avoir deux rôles.
- Soit être un document réalisé par le maitre d’œuvre ressemblant à s’y méprendre à un Détail Quantitatif Estimatif (DQE) que les entreprises remplissent. Le but du document est alors d’aider les entreprises à « former leur prix forfaitaire ». C’est le cas le plus courant.
- Soit être un document totalement réalisé par l’entreprise qui répond pour expliquer comment elle est arrivée à son prix forfaitaire. Le but du document est alors, pour le maitre de l’ouvrage comme le maitre d’œuvre, de comprendre comment le forfait a été formé et de détecter éventuellement des « impasses ».
Lorsque le maitre de l’ouvrage veut conclure un marché à prix unitaires, il joint le plus souvent deux documents au dossier de consultation des entreprises (DCE) :
- Le Bordereau des prix unitaires (BPU) qui doit être renseigné par les entreprises dans la colonne correspondant aux prix unitaires qu’elle propose. Le but de ce document est de connaître le prix unitaire de chaque prestation (le mètre carré d’engazonnement, le mètre linéaire de bordure, etc..).
- Le Détail Quantitatif Estimatif (DQE) qui a de buts :
- Permettre aux entreprises de former leurs prix unitaires en connaissant les quantités que le maître d’œuvre a estimées.
- Permettre au maître de l’ouvrage d’analyser le critère prix puisque, dans ce document, les prix unitaires sont multipliés par les quantités estimés, le total des totaux des prix étant le montant estimé du marché.
On peut relever qu’il serait plus simple d’avoir un seul document valant « BPU » et « DQE » plutôt que deux. Il est toutefois dur de modifier les habitudes. Par ailleurs, les détracteurs de cette pratique semblent avoir un argument « incontournable » : le « BPU » est une pièce contractuelle, pas le « DQE ». Il ne s’agit toutefois pas « d’une bonne excuse ». Il suffirait en effet, dans la liste des pièces contractuelles de viser ce document unique en excluant de la valeur contractuelle la colonne relative aux quantités. On pourrait par exemple écrire dans la liste des pièces contractuelles « le BPU valant DQE à l’exception de la colonne sur les quantités et la colonne des totaux ».
Ce serait une réforme extraordinaire qui permettrait de simplifier énormément le travail des entreprises pour répondre aux marchés à prix unitaires sans parler des millions de pages de papier qui seraient économisées…
Il suffit de le vouloir et de savoir changer ses habitudes.
Patrice Cossalter, Avocat au barreau de Lyon, LEGITIMA