Etre titulaire d’un marché public c’est avoir droit à l’exclusivité de réaliser les prestations prévues au marché même si une dérogation minime existe pour les marchés à bons de commande.
Si l’on considère qu’un marché est un marché à prix unitaires à bons de commande, il ne fait aucun doute que le prestataire de l’administration a un droit « d’exclusivité » à l’exception de la possibilité d’acheter des prestations similaires sous la double condition que cet achat soit inférieur à 10 000 euros et à 1 % du marché.
En effet, ce droit d’exclusivité est prévu en filigrane de l’article 77 du Code des marchés publics qui dispose que « III. - Pour des besoins occasionnels de faible montant, le pouvoir adjudicateur peut s'adresser à un prestataire autre que le ou les titulaires du marché, pour autant que le montant cumulé de tels achats ne dépasse pas 1 % du montant total du marché, ni la somme de 10 000 Euros HT. Le recours à cette possibilité ne dispense pas le pouvoir adjudicateur de respecter son engagement de passer des commandes à hauteur du montant minimum du marché lorsque celui-ci est prévu ».
Le texte laisse une possibilité d’acheter en sus du marché pour de faibles montants, a contrario, cette possibilité est exclue dans les autres cas.
Si l’on considère que le marché est un marché « ordinaire » et donc un marché « autre qu’à bons de commandes », la question de l’exclusivité est plus difficile. En effet, il n’existe pas à notre connaissance de jurisprudence spécifique sur ce point.
Toutefois, il faut noter que telle est la position de la doctrine administrative.
Question N° : 75327 : de M. Le Nay Jacques ( Union pour un Mouvement Populaire - Morbihan ) Question publiée au JO le : 11/10/2005 page : 9346 - Réponse publiée au JO le : 16/05/2006 page : 5178
Texte de la QUESTION : Le décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004 relatif à diverses dispositions concernant les marchés de l'État et des collectivités territoriales a ajouté à l'article 28-1 du code des marchés publics un troisième alinéa selon lequel les marchés de travaux, de fourniture et de services d'un montant inférieur à 4 000 euros hors taxes peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalables. M. Jacques Le Nay demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie si, conformément aux dispositions précitées, les collectivités territoriales et leurs établissements peuvent procéder à des achats de fournitures spécifiques alors même qu'elles seraient liées à un fournisseur généraliste par un marché public en cours d'exécution. Dans la négative, il lui demande comment les collectivités territoriales et leurs établissements doivent procéder pour acheter des fournitures spécifiques de faible montant lorsque leurs fournisseurs contractuels ne disposent pas de produits similaires ou équivalents.
Texte de la REPONSE : Les marchés publics sont des contrats qui, en application de l'article 5 du code des marchés publics, doivent déterminer avec précision la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Ainsi, pour un marché de fournitures, les documents du marché doivent préciser les différentes fournitures que le prestataire s'engage à livrer. Dans l'exemple proposé, si les fournitures « spécifiques » relèvent de celles visées par un marché déjà attribué, l'acheteur devra respecter le droit d'exclusivité du titulaire. La seule exception à ce droit d'exclusivité réside dans la possibilité prévue au I de l'article 72 dans le cadre des marchés à bons de commande, de satisfaire des besoins occasionnels de faible montant auprès d'un prestataire autre que le titulaire du marché. En revanche, si le besoin en fournitures « spécifiques » n'est couvert par aucun marché et que la valeur totale est inférieure à 4 000 euros hors taxes, l'acheteur pourra alors attribuer directement le marché sans publicité ni mise en concurrence.
Notre position est identique et il paraît peu probable qu’en cas de contentieux le juge puisse avoir une position différente.
En effet, le droit d’exclusivité est lié à la substance même du contrat conclu dès lors qu’un candidat n’aurait notamment pas la même politique des prix s’il n’était pas certain de réaliser l’ensemble des prestations prévues au marché.
Par ailleurs, il faut relever que, lorsque le marché est résilié en cours d’exécution, le titulaire a un droit indemnitaire. Or, confier des prestations à un autre titulaire ne peut être que qualifié de résiliation partielle du marché pour la partie de la prestation effectuée par un autre.
Patrice Cossalter, Avocat au barreau de Lyon, LEGITIMA