Le principe du droit français est qu’un prix est intangible. Les entreprises n’ont donc pas droit de manière générale à une indemnisation lorsqu’elles « perdent de l’argent ». Toutefois, ce principe connait de nombreuses exceptions.
Le principe du prix intangible
Les entreprises considèrent souvent qu’il suffit de démontrer qu’elles ont perdu de l’argent sur la réalisation des travaux d’un marché public pour avoir un droit indemnitaire. Il n’en est rien. Dans le système économiste capitaliste qui est le nôtre, le principe est qu’un prix est intangible puisque l’entreprise a pris un risque qu’elle doit assumer en cas de problème.
La jurisprudence classique a toujours été très ferme su le principe dit de l’intangibilité du prix. Toutefois, cette même jurisprudence a défini peu à peu les cas exceptionnels où l’entreprise peut exiger d’être payée en sus du marché de base.
Dans tous les cas, pour avoir un droit indemnitaire, une entreprise doit démontrer au minimum deux éléments :
- Qu’elle a subi un préjudice ;
- Qu’elle est dans l’un des cas visé ci-dessous lui ouvrant un droit indemnitaire.
Les sujétions techniques imprévisibles
Si une entreprise peut démontrer que le préjudice qu’elle subit est dû à des sujétions techniques imprévisibles, elle a normalement droit à une indemnisation.
Il faut toutefois relever que :
- Le juge a une notion très stricte de la sujétion technique imprévisible. Un évènement qui avait statistiquement une chance sur un million d’arriver n’est pas juridiquement une sujétion technique « imprévisible ».
- L’entreprise ne doit pas seulement démontrer un préjudice, elle doit par ailleurs prouver que ce préjudice bouleverse l’économie de son marché, bouleversement qui est toujours soumis à de fortes possibilités d’interprétations.
Ce fondement de la sujétion technique imprévisible est le « grand classique » des demandes indemnitaires.
La théorie de l’imprévision
Lorsqu’un évènement extérieur au marché (contrairement à la sujétion technique qui est interne au marché) entraîne un préjudice, l’entreprise a aussi un droit indemnitaire dès lors que le bouleversement de l’économie de son marché est patent. Ce fondement a été très utilisé dans les années « 70 » lorsque les chocs pétroliers ont entraîné indirectement un surcoût des marchés d’enrobés. Il était presque tombé en désuétude mais les hausses brutales de certaines matières premières il y a quelques années l’a « remis au gout du jour » même si ce fondement reste dans les faits assez peu utilisé.
La modification unilatérale du contrat
En droit public, le maître de l’ouvrage (et non le maître d’œuvre) a un droit unilatéral de modification du marché auquel l’entreprise ne peut pas s’opposer. Ce droit est fondé par les obligations de service public que doit gérer un maître de l’ouvrage.
En contrepartie de ce droit accordé aux maîtres de l’ouvrage, les entreprises ont obtenu depuis longtemps un droit indemnitaire qui vient compenser la modification du contrat imposée.
Le principe est donc théoriquement simple puisque l’entreprise a le droit à être indemniser de toutes les conséquences onéreuses de la modification du contrat. Toutefois et en pratique les contentieux sont nombreux tant les points de discussions sont importants. Ainsi, on discute bien sur l’évaluation du préjudice mais aussi la modification elle-même, le maître de l’ouvrage considérant quelquefois que le travail de l’entreprise est prévu par le contrat, l’entreprise considérant pour sa part que le travail demandé est au-delà de son contrat….
La faute du maître de l’ouvrage
Toute faute du maître de l’ouvrage ayant des conséquences financières pour une entreprise ouvre droit à une indemnisation. Il n’est point nécessaire de démontrer dans ce cas un bouleversement de l’économie du marché, l’indemnisation existe « dès le premier euro ».
On peut penser à des fautes précisent comme par exemple un retard dans l’exécution du marché du fait de l’oubli d’une étude obligatoire par le maître de l’ouvrage.
Il existe aussi des fautes plus latentes comme par exemple une mauvaise définition des contraintes techniques comme l’absence de sondage puisqu’aux termes de la loi, il appartient au maître de l’ouvrage de notamment définir les contraintes techniques de l’ouvrage dans son programme. Un autre fondement de la « faute » du maître de l’ouvrage est la méconnaissance de l’article 5 du Code des marchés publics qui impose de définir le besoin avec précision avant toute mise en concurrence.
La faute du maître d’œuvre
Le maître de l’ouvrage n’est pas personnellement en faute lorsque son maitre d’œuvre commet lui-même des fautes. Toutefois et pour la jurisprudence, le maître de l’ouvrage doit garantir les entreprises des fautes de son maître d’œuvre quitte ensuite à se « retourner » contre ce dernier pour se faire rembourser.
Ce fondement est de plus en plus utilisé. On voit ainsi des entreprises appeler le maître de l’ouvrage en garantie car son maître d’œuvre n’a pas fait des études de Projet (PRO) conformes à celles définies par la loi et ses textes d’application.
De même en donnant les visas avec retard ou en ayant réalisé un détail quantitatif estimatif totalement erroné, le maître d’œuvre commet des fautes qui peuvent (doivent ?) être garanties par le maître de l’ouvrage.
Maitre Patrice Cossalter, Société d’avocats LEGITIMA