Au terme d’un contrat de location gérance, l’exploitant initial du fonds doit en principe reprendre le personnel du locataire gérant.
LE PRINCIPE DE LA REPRISE DU PERSONNEL
L’article L1224-1 dispose :
«Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
L’Article L144-9 du code de commerce dispose quant à lui :
« La fin de la location-gérance rend immédiatement exigibles les dettes afférentes à l'exploitation du fonds ou de l'établissement artisanal, contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la gérance. »
Ces deux articles sont les fondements de l’obligation, lorsqu’elle existe, de reprise ou de poursuite des contrats de travail au terme d’un contrat de location gérance.
LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE LA REPRISE DU PERSONNEL
Il a été jugé de longue date qu’à l'issue d'une location-gérance, que l'article L. 1224-1 du code du travail (anciennement L. 122-12) ne s'applique que pour autant que l'entreprise subsiste et que son exploitation est susceptible d'être poursuivie, ce qui est exclu en cas de ruine du fonds. (Cour de Cassation, chambre social, 15 janvier 1981).
Il résulte de la jurisprudence que si à l'expiration du contrat de location d'un fonds de commerce, les contrats de travail subsistent en principe avec le bailleur, c'est à la condition que la même entreprise continue à fonctionner et fasse retour dans le patrimoine de celui-ci. (Cour de cassation, Chambre sociale REJET9 juin 1983N° 81-40.257 81-40.264).
Le retour de l'entité économique au propriétaire du fonds se réalise si l'entreprise subsiste et que son exploitation est susceptible d'être poursuivie. (CAA Paris, 16 déc. 2009: RJDA 2010, n° 842).
Dernièrement, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a pu juger que si à l'expiration du contrat de location-gérance, le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire, lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail, c'est à la condition que le fonds ne soit pas devenu inexploitable, étant entendu que la seule existence d'offres de reprise ne suffit pas à prouver la possibilité de poursuivre l'exploitation. :
« Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la société Établissements X... (société X...), exploitant un fonds de commerce donné en location-gérance par M. X..., a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 octobre 2010 et 9 novembre 2011 ; que M. X... a délivré le 8 octobre 2011 une attestation aux termes de laquelle il a déclaré abandonner le fonds de commerce au profit de la procédure, permettant notamment l'arrêté du plan de cession par le tribunal ; que par ordonnance du 6 décembre 2011, le juge-commissaire a prononcé la résiliation du contrat de location-gérance conclu le 6 octobre 1982 entre M. X... et la société X... et fixé à cette date la restitution du fonds de commerce et du personnel y attaché ; que M. X... a formé recours contre cette ordonnance ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches :
Vu l'article L. 144-9 du code de commerce ;
Attendu que si par l'effet de l'expiration du contrat de location-gérance le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail, c'est à la condition que le fonds ne soit pas devenu inexploitable ;
Attendu que pour rejeter le recours de M. X..., le jugement retient que la ruine du fonds de commerce n'est pas démontrée, et ce d'autant moins que deux repreneurs potentiels en ont proposé une certaine valeur, qu'un fonds de commerce ne disparaît pas aussitôt que cesse son exploitation, que même très déprécié il continue d'exister, que de retour à son propriétaire, celui-ci peut reprendre les négociations en vue d'une éventuelle cession ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, en se fondant sur la seule existence d'offres de reprise, sans rechercher si, au moment de la résiliation du contrat, la clientèle, élément essentiel du fonds de commerce, existait toujours et si le fonds était exploitable, circonstances pouvant s'opposer au transfert de l'entité économique, le tribunal a privé sa décision de base légale ; » (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 décembre 2013, 12-22.167, Inédit ; voir également Cour de Cassation, chambre sociale, 14 mars 2012: RJDA 2012, no 849)
CONCLUSION
Il résulte de l’ensemble de la jurisprudence étudiée que :
1/ Le transfert des contrats de travail au bailleur au terme du contrat de location gérance s’applique lorsque le fonds fait retour dans le patrimoine dudit bailleur. Le raisonnement consiste alors à estimer que les contrats de travail sont un accessoire du fonds.
2/ Un fonds fait automatiquement retour dans le patrimoine du bailleur que si :
- la même entreprise n’a pas disparue : il s’agit d’une notion large, et la jurisprudence utilise un faisceau d’indice (même activité, activité avec le même nom, des lieux et du matériel identifiables).
- le fonds n’est pas en ruine et/ou inexploitable : la jurisprudence utilise un faisceau d’indice (existence d’une clientèle, activité viable, possibilité de vendre, etc…)
Mehdi Abbadi, Avocat à la Cour, Cabinet d’avocats LEGITIMA