Avocat de l'expertise : Ordonnance du 2014-863 du 31 juillet 2014 : Une refonte très attendue des modalités d’expertise de l’article 1843-4 du Code Civil

Une refonte très attendue des modalités d’expertise de l’article 1843-4 du Code Civil relatif à l’intervention d’un expert pour fixer le prix de cession des droits sociaux ou de leur rachat par la société en cas de contestation.

En application de l’habilitation que lui a donnée le Parlement en début d’année, le Gouvernement vient de prendre par ordonnance une série de mesures visant à simplifier et sécuriser le fonctionnement des sociétés.

Notre attention se porte plus particulièrement sur les conditions relatives à l’évaluation des titres dans le cadre de l’expertise de l’article 1843-4 du Code Civil.

L'article 37 de l’ordonnance modifie l’article 1843-4 du Code civil qui prévoit l’intervention d’un expert pour fixer le prix de cession des droits sociaux ou de leur rachat par la société en cas de contestation.

Ces dernières années, l’article 1843-4 a donné lieu à un abondant contentieux ayant conduit la Cour de cassation à étendre le champ d’application de ce texte et à consacrer la totale liberté de l’expert pour évaluer les titres même en présence de clauses statutaires ou conventionnelles de détermination du prix.

Cette jurisprudence a été particulièrement critiquée pour les menaces portées sur la sécurité juridique des cessions et des rachats de droits sociaux et son atteinte au principe de la liberté contractuelle.

La réforme engagée par l’ordonnance du 31 juillet 2014 corrige une bonne partie des défauts de la précédente jurisprudence.

La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 est entrée en vigueur le 3 août 2014. Elle est donc applicable aux demandes de désignation d’un expert faites sur le fondement de ce texte depuis cette date.


 

  1. A.Modification du texte de l’article 1843-4 du Code Civil

Le champ d’application de l’article1843-4 est réduit. Jusqu’à présent, l’expertise de l’article 1843-4 s’appliquait dans tous les cas où étaient prévus la cession ou le rachat de droits sociaux.

Désormais, cette expertise n’est obligatoire que :

  1. dans les cas où la loi renvoie à l’article 1843-4 « pour fixer les conditions de prix d'une cession » des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société (art. 1843-4, I-al. 1 nouveau) ;

Pour ce qui est de la première condition, le Code civil et le Code de commerce renvoient expressément à l’article 1843-4 notamment pour la fixation du prix de rachat des droits sociaux en cas de refus d'agrément de l'acquéreur proposé (C. com. art. L 223-14, al. 3, L 227-18, al. 1 et L 228-24, al. 2 ; C. civ. art. 1862) et de l'héritier d'un associé décédé (C. com. art. L 221-15, al. 6 et L 223-13, al. 5 ; C. civ. art. 1870-1) ainsi qu’en cas de retrait d’un associé (C. civ. art. 1869).

Rappelons que, dans les SAS, les statuts peuvent fixer les modalités de rachat des titres par la société en cas d'exclusion, de retrait d'un associé ou de refus d'agrément de l'acquéreur, l'article 1843-4 ne s'appliquant que dans le silence des statuts sur ce point (C. com. art. L 227-18).

Il résulte de la nouvelle rédaction de l’article 1843-4 qu’en cas de renvoi légal à ce texte, la présence d’une clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix ne fait pas obstacle à l’expertise. Toutefois, l’expert devra respecter les modalités d’évaluation organisées par cette clause.

Pour ce qui est de la deuxième condition, l’expertise de l’article 1843-4 n’est maintenant ouverte, pour la cession ou le rachat organisé par les statuts, que si la valeur des droits sociaux n’est ni déterminée ni déterminable.

Est ici visée tant l’hypothèse de l’absence d’une clause statutaire de détermination du prix que celle où cette clause ne permet pas d’aboutir à la fixation du prix. Si le prix est déterminable au regard des statuts, il n’est pas possible de recourir à l’expertise.

Devient donc obsolète la jurisprudence selon laquelle l’expertise de l’article 1843-4 prime toute clause statutaire de détermination du prix.

  1. B.Sécurisation des pactes d’associés

En visant expressément les seules cessions prévues par la loi ou par les statuts, le nouvel article 1843-4 exclut l’application de plein droit de l’expertise pour les autres cessions ou rachats, notamment celles organisées par un pacte d’actionnaires.

Sous l’empire de l’ancien article 1843-4, la Cour de cassation avait, dans un premier temps, imposé le recours à l’expertise pour les cessions prévues par un pacte d’actionnaire y compris s’il comportait une clause de détermination du prix (Cass. com. 24-11-2009 n° 08-21.369 : RJDA 4/10 n° 375).

Seules restaient préservées de l’intervention de l’expert, les cas de mise en œuvre d'une promesse unilatérale de vente de parts librement consentie par un associé dans un pacte d’actionnaires (Cass. com. 11-3-2014 n° 11-26.915).

Aussi, les praticiens tout comme les professionnels ne peuvent que se féliciter de cette réforme qui sécurise les conventions librement fixées entre associés.

  1. C.Méthodes d’évaluation de l’expert

Sous l’empire de l’ancien article 1843-4, l’expert pouvait procéder à l’évaluation demandée selon les critères qu'il jugeait opportuns et il n’était donc pas tenu de faire application les méthodes d'évaluation préconisées par les parties, par les statuts ou encore par le règlement intérieur.


L’ordonnance met en grande partie un terme à cette liberté.

En effet, l’expert doit désormais faire application, lorsqu’elles existent, des règles et modalités de détermination de la valeur fixées :

– par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties lorsque son intervention est prévue par la loi (art. 1843-4, I-al. 2 nouveau) ;

– par toute convention liant les parties pour les cessions organisées par les statuts (art. 1843-4, II-al. 2 nouveau).

Ce n’est donc qu’en l’absence de clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix, ou lorsque cette clause ne permet pas de déterminer le prix, que l’expert recouvre sa liberté d’évaluation.

La modification de l’article 1843-4 ne remet pas en cause le principe selon lequel l’évaluation de l’expert s’impose au juge et aux parties à moins qu’il n’ait commis une erreur grossière.

Jusqu’à présent, l’existence d’une telle erreur était rarement admise par les tribunaux. Dans la mesure où l’expert est désormais légalement tenu d’appliquer les clauses de détermination du prix, on peut penser qu’il commettrait une erreur grossière en procédant à l’évaluation selon d’autres modalités, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.

En conclusion, cette réforme porte les éléments nécessaires pour sécuriser les prévisions des associés tout comme le travail des praticiens rédacteurs de statuts et pactes d’associés. Il est également clair que les procédures d’évaluation judiciaire sont désormais bien moins incertaines pour les associés qui disposent de plus d’éléments pour apprécier le travail de l’expert tout comme pour le contester par la voie judiciaire.

Ainsi, cette réforme remet la liberté contractuelle au centre du débat, ce qui ne manquera pas d’être apprécié par les praticiens.

Jonathan AMOUYAL, Avocat

SELARL Legitima

Cabinet d'Avocats | Barreau de Lyon
Siren n° 450 133 087. RCS Lyon.

Conception NETIZIS
Hébergement OVH
Mentions légales

À propos

Nous intervenons dans les domaines du Droit Public, Privé et Pénal, tant en conseil qu'en contentieux. Nous assurons également des formations et rédigeons de nombreuses publications.

Suivez-nous sur:

    

Contact

Cabinet d'Avocats Legitima
@ Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
04 78 80 72 40
04 78 80 71 64
66 rue d'Anvers
     69007 Lyon