Un jugement prononçant, en suite d’une ordonnance du juge commissaire, la résiliation d’un contrat de location gérance, à la demande de l’administrateur judiciaire du locataire-gérant en redressement judiciaire, ne bénéficie pas de plein droit de l’exécution provisoire et donc l’arrêt de cette dernière se fait dans les conditions du droit commun.
Lorsqu’une décision juridictionnelle bénéficie de l’exécution provisoire, il est possible de demander au premier président de la Cour d’appel compétente, l’arrêt de ladite exécution sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile :
« Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. »
Il y a donc lieu de distinguer le cas où l’exécution provisoire est de droit, de celui où l’exécution provisoire a été prononcée par l’auteur de la décision juridictionnelle.
En matière de procédure collective, cette distinction revêt une importance toute particulière dans la mesure où l’article R 661-1 du code de commerce prévoit que les jugements et ordonnances rendus en la matière bénéficient de l’exécution provisoire de plein droit et que cette exécution ne peut être arrêtée que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. Cet article est ainsi rédigé :
« Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.
[…]
Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux.[…] »
A la lecture de ces dispositions, d’aucuns pensent qu’automatiquement toute décision juridictionnelle intervenue dans le cadre d’une procédure collective doit être réputée rendue en cette matière. Ils estiment donc que l’article R 661-1 du code de commerce s’applique, que l’exécution provisoire est de plein droit et qu’elle arrêter que s’il y a des moyens sérieux à l’appui de l’appel.
Il s’agit là d’une erreur d’interprétation in extenso de l’article R. 661-1 précité. En réalité, toute décision juridictionnelle intervenant dans le cadre d’une procédure collective n’est pas réputée rendue en cette matière.
En effet, il convient de préciser que l’article R 661-1 susmentionné n’est qu’une mesure réglementaire d’application des dispositions, aujourd’hui codifiées, de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Cette loi a, par exception au droit commun procédural, limité et encadré les voies de recours possibles contre les décisions rendues en matière de procédure collective. Néanmoins, le carcan ainsi institué ne s’applique que pour les décisions juridictionnelles qu’elle vise spécialement et expressément, comme le veut l’adage selon lequel « toute exception s’interprète strictement ».
Ainsi, toute décision intervenant dans le cadre de procédure collective n’est pas concernée par la limitation des voies de recours issue de la loi du 26 juillet 2005.
Ainsi, et par exemple, les jugements par lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions peuvent faire l’objet, dans les conditions de droit commun, d’un appel et, le cas échéant, d’un pourvoi en cassation dès lors que les décisions juridictionnel en cause ne sont pas visées par les dispositions spéciales de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Cette interprétation a été confirmée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 7 février 2012 :
« Les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire, qui ne sont pas visés par les dispositions spéciales de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises réglementant les voies de recours, sont susceptibles de recours dans les termes du droit commun ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué, qui, bien qu'inexactement qualifié en dernier ressort, était susceptible d'appel, ne peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation » (Cass. com., 7 février 2012, n° 10-26.164).
Par conséquent, il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu de distinguer les décisions juridictionnelles spécialement visées par la loi du 26 juillet 2005 pour savoir si l’article 524 du code de procédure civile s’applique.
Or, dans le cadre de procédure collective, force est de constater qu’un jugement comme une ordonnance du juge commissaire prononçant la résiliation d’un contrat de location gérance, à la demande de l’administrateur judiciaire du locataire en redressement judiciaire, ne font pas partie des décisions juridictionnelles spécialement visées par la loi du 26 juillet 2005.
Partant, pour ce type de décision, l’article 524 du code de procédure civile est pleinement applicable ainsi que l’a jugé le Premier Président de la Cour d’appel de Besançon dans une récente ordonnance en date du 2 septembre 2014.
Mehdi ABBADI, Avocat