Le maître d’œuvre met notamment en œuvre sa mission de direction de chantier par l’émission d’ordres de services, les fameux « OS ». Ce document est tellement ancien et tellement utilisé que tout un chacun pense en avoir fait le tour. Il n’en est rien, l’OS garde des secrets qu’il est temps de découvrir.
Mais qu’est-ce qu’un os
L’ordre de service est défini dans le nouveau « CCAG travaux » comme dans l’ancien comme le document écrit, daté et numéroté signé par le maitre d’œuvre (article 3.8 du « CCAG travaux »). Il s’agit là d’une définition sur la forme et non sur le fond.
On peut déjà relever que si l’on veut transmettre un OS par voie électronique il est indispensable d’avoir une signature électronique. Pour éviter cet inconvénient, il est nécessaire de déroger dans les pièces particulières au « CCAG » et d’enlever tout simplement l’obligation de signature. La transmission électronique d’OS en sera grandement facilitée.
On doit aussi relever que l’OS ne peut être qu’un document émanent du maître d’œuvre, le CCAG ne connaissant pas de « l’OS du maître de l’ouvrage ». Or, on voit quelquefois ce document ou un « OS cosigné » …. Il nous semble préférable de parler de décision unilatérale du maître de l’ouvrage même si cette dernière peut être transmise par le maître d’œuvre en annexe d’un « OS ».
Il faut relever que dans le nouveau « CCAG » (article 2), l’OS est maintenant définit sur le fond comme « la décision du maître d'œuvre qui précise les modalités d'exécution de tout ou partie des prestations qui constituent l'objet du marché ». Si l’OS peut donc préciser les modalités d’exécution, il ne peut a contrario permettre de modifier ces mêmes conditions d’exécution.
Or tel n’est pas le cas en pratique.
Les divers OS
Il existe trois types d’OS :
- L’OS « facteur »
- L’OS de direction de chantier
- L’OS de modification du marché
L’OS facteur
Le maître de l’ouvrage peut vouloir écrire aux entreprises, soit pour les mettre en demeure, soir pour les informer, soit pour tout objet qu’il juge utile. Bien entendu, le maître de l’ouvrage pourrait transmettre directement son courrier à l’entreprise de son choix. Il a plutôt intérêt a faire transiter son document par le maître d’œuvre qui va le notifier aux entreprises par ordre de service et ce pour plusieurs raisons.
Le maître d’œuvre doit être informé des relations maitre de l’ouvrage-entreprises et cette manière de faire permet au maître d’œuvre de connaître préalablement les décisions du maître de l’ouvrage qui concernent les entreprises.
La transmission de ces décisions par le truchement du maître d’œuvre permet au maître de l’ouvrage de responsabiliser le maître d’œuvre. Ainsi, si une décision du maître de l’ouvrage s’avérait « mauvaise », le maître d’œuvre pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de son obligation de conseil.
Le maître de l’ouvrage, en agissant ainsi, profite des effets de l’ordre de service et notamment du fait que ce dernier est réputé accepté par les entreprises si ces der ières n’émettent pas de réserve dans les 15 jours.
L’OS de direction de chantier
Le maître d’œuvre doit diriger les marchés des entreprises et donc faire en sorte que ces dernières respectent leurs obligations contractuelles.
Ainsi, lorsque le maître d’œuvre notifie l’OS de démarrage du chantier il ne fait que mettre en œuvre le marché de travaux qui prévoit que l’entreprise commencera ses travaux à la suite d’un OS.
On peut distinguer trois sortes d’OS de direction de chantier.
L’OS dont le but est de mettre en œuvre une obligation déjà prévue par le marché. Il en est ainsi de l’OS de démarrage des travaux.
L’OS « préventif » par lequel le maître d’œuvre va attirer l’attention d’une entreprise sur une difficulté ou un problème futur. Ainsi, lorsque le maître d’œuvre se rend compte qu’une phase de chantier va demander des moyens humains supplémentaires, il peut demander à l’entreprise de prendre en compte cette obligation future. Il va de soi que si l’entreprise n’obtempère pas, elle sera « doublement responsable » en cas de retard.
L’OS « curatif » par lequel le maître d’œuvre constate un manquement au contrat et mets en demeure l’entreprise de respecter ce dernier, dans l’idéal en visant les mesures qu’elle doit prendre. Ainsi, si le maître d’œuvre constate un retard sur le chantier, il doit mettre en demeure l’entreprise de rattraper son retard en indiquant dans l’idéal les moyens humains et matériels qu’elle doit mobiliser pour se faire.
L’OS de modification du marché
Cet OS n’est pas expressément prévu mais force est de constater que le maître d’œuvre modifie souvent, directement ou indirectement, par OS un marché de travaux.
Ainsi les OS de « plus et de moins » (OS ou le maître d’œuvre demande à l’entreprise de faire des prestations supplémentaires non prises en charge financièrement en contrepartie de travaux prévus au marché qu’elle n’aura finalement pas à faire) ont pour effet de modifier le marché. Il en est de même des « OS de prix nouveaux ». En effet, si le maître d’œuvre demande à l’entreprise de réaliser des travaux dont les prix ne sont pas prévus au marché, il demande obligatoirement à cette entreprise de réaliser des travaux non prévus.
On peut se demander si un maître d’œuvre externe a le droit de modifier unilatéralement un marché. Il nous semble que la réponse est sans contestation possible « non ». Dans certaines communes, le marché ne peut être modifié par le maire, seul le Conseil municipal a ce pouvoir. A fortiori, un maître d’œuvre ne peut avoir un pouvoir supérieur au maire !
Par ailleurs, lorsqu’un maitre d’œuvre demande une modification du marché, il ne le demande pas « pour lui » mais bien au nom et pour le compte du maître de l’ouvrage (mandat). Or, la loi « MOP » interdit à un maître d’œuvre d’être mandataire sur le même ouvrage.
Enfin, la définition du mandat qui est aujourd’hui prévue dans le nouveau CCAG (article 2), si elle permet au maître d’œuvre de préciser les conditions d’exécution du marché, ne lui permet pas a contrario de les modifier.
Il existe là un vrai gouffre entre la théorie et la pratique, la théorie interdisant à un maître d’œuvre de modifier un marché, ce dernier le modifiant « tous les jours unilatéralement » en pratique.
Maitre Patrice Cossalter, Société d’avocats LEGITIMA