Avocat droit administratif : Les contentieux au fond en matière de contrats administratifs : chnagez vos habitudes !

Qui ne l’a pas vu passer ? La jurisprudence « Tarn et Garonne » est le point culminant de la modification profonde, entreprise depuis moins de dix ans par le Conseil d’État, du régime des recours contentieux au fond en matière de contrats administratifs. Les cartes redistribuées, les acteurs du contentieux contractuel doivent revoir leur logique contentieuse.

Initialement : le contrat administratif, un acte à l’abri des tiers

Depuis plus d’un siècle, le Conseil d’État avait fixé la règle selon laquelle seules les parties signataires d’un contrat administratif étaient recevables à en contester sa validité devant le juge du contrat.

En ce qui concerne les tiers au contrat (concurrents évincés, ordre professionnel, citoyens lambda…), ces derniers n’avaient que la possibilité de le contester via un recours en excès de pouvoir les actes détachables du contrat, autrement dit les actes préalables à sa conclusion (CE, Martin, 4 août 1905, n°14220), exception faite des recours contre les clauses réglementaires du contrat.

Si l’acte détachable était annulé, le contrat n’était pas directement nul, mais les parties au contrat avaient l’obligation de tirer toutes les conséquences de cette annulation vis-à-vis de la validité du contrat et/ou à défaut d’accord de saisir le juge du contrat.

L’efficacité d’un recours en excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat posait réellement question.

1ère (r)évolution : Conseil d’État, 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic Travaux Signalisation 

À l’époque le référé contractuel n’avait pas encore été introduit dans l’ordre juridique national.  Les tiers, notamment les concurrents évincés, n’avaient aucune possibilité de contester directement et efficacement un contrat administratif après sa signature.

Par sa décision du 16 juillet 2007, la haute juridiction administrative a créé le recours en contestation de validité d’un contrat administratif. Ce recours de plein contentieux permettait aux seuls concurrents susceptibles d’avoir un intérêt à conclure le contrat de saisir le juge du contrat pour en contester la validité.

À l’appui de son recours, le requérant pouvait soulever tout moyen de droit et non uniquement ceux liés à un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. De plus, le concurrent évincé n’avait pas à prouver que le moyen soulevé était susceptible de le léser à la différence de ce que l’on connaît en matière de référé précontractuel (Conseil d'État, n° 305420  3 octobre 2008, SMIRGEOMES).

Révolution, puisque pour la première fois dans l’histoire du droit administratif, des tiers à un contrat pouvaient en contester la validité.

En parallèle, existait toujours la faculté pour les autres tiers (ordre professionnel, association, etc..) de faire un recours en excès de pouvoir (REP) contre les actes détachables. La voie du REP se fermait automatiquement pour les concurrents évincés dès lors que le contrat était signé et qu’ils disposaient de la faculté d’introduire un recours en contestation de validité.

2ième (r)évolution : Conseil d’État, Assemblée, 4 avril 2014, n°358994 Département Tarn et Garonne

Par cet arrêt, le Conseil d’État a ouvert aux autres tiers que le concurrent évincé le recours en contestation de validité d’un contrat administratif. La haute juridiction va bien plus loin et érige ce recours comme la voie contentieuse de droit commun visant à contester au fond un contrat administratif.

En effet, le Conseil d’Etat ferme complètement la voie du recours direct en excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat, et ce pour tout type de requérant, à l’exception du Préfet dans le cadre de son contrôle de légalité.

Révolution puisque le recours en excès de pouvoir, pilier du contentieux administratif, perd tout un pan de son champ d’application sur l’autel de la sécurité des relations contractuelles et de la rationalité des recours contentieux.

Les juges du Palais Royal en ont aussi profité pour rajouter que, à l’exception du Préfet et des élus de l’assemblée délibérante du pouvoir adjudicateur qui compte tenu des intérêts dont ils ont la charge peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

La nécessité de revoir sa logique contentieuse en la matière

Ce renouvellement profond des recours contractuels au fond à l’encontre des contrats administratifs va avoir des conséquences sur la stratégie contentieuse des différents acteurs en la matière.

Les parties au contrat vont bénéficier d’une sécurité juridique des relations contractuelles renforcée puisque l’arrêt du 4 avril signe la mort des REP contre les actes détachables du contrat et de la plupart des annulations de contrat fondées sur des moyens totalement indifférents à la qualité du requérant. En parallèle, les autres tiers dont les concurrents évincés ne devront pas louper le coche du référé précontractuel ou contractuel, sous peine de ne disposer que d’un recours au fond dont les délais de jugement ce compte en année contentieuse !

Il est intéressant de relever qu’en parallèle, le Conseil d’État a consacré le principe de loyauté contractuelle empêchant les parties au contrat de se prévaloir de l’illégalité de ce dernier (Conseil d'État n° 30480228 décembre 2009).

Ainsi, en moins de dix ans, les cartes du contentieux contractuel au fond ont complètement été redistribuées (hormis le contentieux des clauses réglementaires). Les tiers au contrat, exception faite du Préfet, peuvent uniquement exercer un recours visant à contester la validité du contrat alors que les parties au contrat ne peuvent plus, en principe, se prévaloir de l’illégalité dudit contrat.

La question est de savoir si cette nouvelle donne sera à même d’assurer l’équilibre entre, d’une part, le respect du principe de légalité guidant l’action de l’administration et, d’autre part, le principe de sécurité juridique. La pratique nouvelle du contentieux contractuel au fond apportera ses réponses.

Mehdi ABBADI, Avocat du Cabinet LEGITIMA  

SELARL Legitima

Cabinet d'Avocats | Barreau de Lyon
Siren n° 450 133 087. RCS Lyon.

Conception NETIZIS
Hébergement OVH
Mentions légales

À propos

Nous intervenons dans les domaines du Droit Public, Privé et Pénal, tant en conseil qu'en contentieux. Nous assurons également des formations et rédigeons de nombreuses publications.

Suivez-nous sur:

    

Contact

Cabinet d'Avocats Legitima
@ Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
04 78 80 72 40
04 78 80 71 64
66 rue d'Anvers
     69007 Lyon